#BehindTheScenes #BehindTheInterviews Nous ouvrons une série de 2 articles pour retranscrire un reportage du magazine Ciné-Revue en Octobre 1975…
Interviews de ceux qui faisaient le porno en 1975. Un réalisateur pour ce premier article, puis 2 actrices (jumelles dans le suivant).
Petit rappel historique… C’est à partir de l’élection de Valery Giscard d’Estaing en 1974 que la pornographie légale vit le jour en France… Jusqu’à la loi de 1975… la censure interdisait les films pornographiques… on se contentait de films érotiques pour le marché français (les producteurs faisant des variantes hard pour l’international). C’est donc en 1975 que débuta l’industrie du X…
Alors plongeons nous dans le passé… et imprégnions-nous de ce qu’à ces début les participants de l’industrie pensait du X…
Il est intéressant de voir comment certains sujets sont toujours d’actualité plus de 40 ans plus tard… ou comment la vision des précurseurs sur l’industrie a rapidement été mise à défaut !!!
Bonne lecture…
Le cinéma porno vu par ceux qui le font (1/2) – Le réalisateur
Le déferlement de films pornos sur les écrans français, favorisé par une censure subitement permissive et plébiscité par un public compact, constitue un phénomène à la fois social, économique et culturel trop important pour qu’il ne soit pas intéressant d’en aborder l’analyse sous divers fronts. Il nous a donc semblé indispensable de demander en priorité leur avis aux principaux intéressés : ceux qui sont les artisans en France, de ce cinéma dont les USA et la Scandinavie n’ont plus, désormais, l’exclusivité.
Nous avons choisi d’interroger le réalisateur et deux des interprètes d’un des films « hard » les plus audacieux, parmi ceux tournés récemment : « Douces pénétrations » (« Gode Story » en anglais).
Sur le plateau, l’ambiance est extrêmement décontractée. On rit beaucoup entre deux prises de vues, nul ne se montre furtif ou honteux, et rien n’est moins orgiaque que le moment où, le soir venu, on se retrouve à l’hôtel pour gouter un repos bien mérité.
Le réalisateur du film se fait nommer Michel Gentil, encore que ses collaborateurs l’appellent par son vrai nom, lequel n’est guère un secret pour le reste de la profession : sous sa véritable identité, il a mis en scène près d’une dizaine de bandes au style très personnel, qui ont leurs administrateurs inconditionnels. Sous le nom de Michel Gentil, il a réalisé une poignée de films sexy (« Jeunes filles impudiques », « Tout le monde il en a deux »), ceci étant sa première incursion dans le cinéma carrément et totalement porno.
DES IMPERATIFS COMMERCIAUX DISCUTABLES
- Michel Gentil, vous êtes, sous votre véritable nom, un cinéaste connu. Accepteriez-vous de révéler publiquement ce nom?
C’est une question vache ! Disons qu’il n’est ni interdit, ni trop difficile de le deviner…
- Pourquoi signer d’un pseudonyme vos films sexy ou porno?
Ce n’est pas parce qu’ils relèvent justement du sexy ou du porno, contre lesquels je n’ai rien, mais parce que ce ne sont pas, à mon avis, de très bons films. Ce ne sont pas forcément des films ratés, mais des films qui, au départ, obéissent à un certain nombre de conventions que je n’aime pas : je ne les reconnais donc pas comme miens. Ces films doivent être bâtis uniquement autour du sexe, et l’on ne peut trouver aucun intérêt au scénario ou à la façon dont il est obligatoirement filmé. Il s’agit de films à budgets minuscules, tournés à toute vitesse, et conçus uniquement comme des produits commerciaux. Producteurs, Distributeurs et Exploitants ne se soucient pas de faire intervenir les concepts de l’érotisme ou de pornographie dans le contexte de ce que l’on peut appeler, entre guillemets, le « vrai » cinéma. J’accepte de faire pareils films, en grande partie pour des raisons alimentaires, mais aussi parce que la pornographie est un élément nouveau dans le cinéma français, un élément tout à fait passionnant et positif. Pour moi comme pour les nombreux cinéastes qui font du porno sous des pseudonymes, joue indiscutablement un certain attrait pour une chose peu connue, car jusqu’alors défendue. Nous n’avions jamais filmé de scènes pornos et il nous intéresse de voir comment nous allons réagir dans un contexte totalement neuf.
- N’aimeriez-vous pas faire un film porno avec la possibilité de le personnaliser, comme un « vrai» film ?
Si, bien sûr, et j’ai un projet de film porno que je signerai de mon vrai nom, si je parviens à le réaliser. Mais il s’agirait d’un film qui, quoique porno, serait connu conne un film « normal », avec un budget supérieur à celui des petits films pornos habituels.
- Pourquoi les producteurs ne misent-ils que des sommes dérisoires sur les films pornos en obligeant les réalisateurs à œuvrer généralement, ainsi, dans la médiocrité ?
Contrairement à ce que l’on imagine, ces films sont d’un rapport immédiat, mais faible. Traditionnellement les films sexy sortent dans les salles dont les prix d’entrée est moins élevé que dans les grandes salles et dont les taux de location sont particulièrement importants. De la sorte, la rentabilité des films est faible et leur devis de production doit l’être également.
De plus les ventes à l’étranger ne sont pas obligatoirement assurées, les autres pays faisant beaucoup de films érotiques et la notion d’érotisme variant d’un pays à l’autre : les films sexy allemands sont pratiquement invisibles en France, car ils ne correspondent pas du tout à ce que veut le public français. Enfin, il y a le gout du public lui-même, qui préfère souvent voir des petits films crapoteux, que leur esthétique apparente quelque peu à la production clandestine d’autrefois. Mais il y a eu « Emmanuelle » qui a changé pas mal de choses, et qui a attiré vers l’érotisme un nouveau public : il y a donc place désormais pour quelques films érotiques plus qualitatifs, encore qu’ils restent réservés à un petit nombre de cinémas parisiens. Les salles spécialisées continuent à demander des petits films, ceux que réclame leur public.
- La libération de la pornographie ne va-t-elle pas, plus ou moins vite, provoquer la saturation du public?
Je pense que cette saturation atteindra très rapidement les petits films pornos, précisément, tournés trop vite avec de trop petits budgets, dénués de tout autre intérêt que celui de montrer des scènes érotiques. On en produit d’énormes quantités en ce moment et, fatalement, les salles ne parviendront pas à tous les programmer, tandis que le public en aura vite assez de toujours voir la même chose. Une sélection s’opérera alors : je pense – et j’espère – que ne surnageront que des films conçus avec un certain souci de qualité.
- A votre avis pourquoi les pouvoirs publics ont-ils subitement autorisé la pornographie?
Il reste à savoir comment cette libération se fera à long terme, et si l’on ne continuera pas à réprimer, sur certains plans, ce que l’on permettra sur d’autres plans. Dans son principe, la suppression de la censure est une bonne chose qu’on ne peut qu’approuver : mais si, par ailleurs, on supprime la loi d’aide pour les films pornos, la situation va devenir économiquement si difficile qu’une sorte de répression s’effectuera, qui sera beaucoup plus dangereuse encore que celle opérée par la censure.
- Les nouvelles réglementations économiques qui frappent les films pornos ne risquent-elles pas de favoriser la monopolisation de la production par quelques puissants groupes financiers, qui feront exclusivement le jeu des autorités?
C’est, en effet, très possible. De toute façon, en France, tout concourt à brimer les petites productions indépendantes. Il est évident que les grosses compagnies ne souffriront guère, elles, de la suppression de l’aide financière à une certaine catégorie de films…
LE METIER DE PORNOGRAPHE
- Lorsque vous tournez un film porno, il doit vous arriver de vous heurter à certaines difficultés pratiques?
Effectivement. Mais lorsqu’un garçon à des problèmes, par exemple, pour parvenir à ses fins devant la caméra, il suffit fréquemment de le laisser un peu seul avec sa partenaire, pour que tout se passe bien. Sinon, tant pis, on le remplace ou l’on modifie légèrement le scénario. Et puis, avant de distribuer les rôles, on essaie de vérifier s’il n’y a pas d’antipathies réciproques entre comédiens, pour éviter de réunir des partenaires qui ne se plaisent pas. Le tournage d’un film porno, ce n’est quand même pas de l’esclavage ! Il peut arriver, bien sûr, que les comédiens doivent faire l’amour sans en avoir envie ; mais, même dans le cinéma traditionnel, il y a souvent des scènes où l’on doit faire des choses que l’on n’a pas envie de faire, comme manger alors qu’on n’a pas faim, ou boire lorsqu’on n’a pas soif ! Si l’on considère que des scènes d’amour physique font partie d’une partie d’un travail professionnel, il n’y a pas de nécessité à y prendre plaisir ; il est cependant évident que si l’on peut, à défaut d’y prendre du plaisir, au moins ne pas y trouver une répulsion ou d’ennui, c’est plus agréable. De toute manière, les scènes pornos réunissent généralement des gens qui se connaissent, qui ont déjà travaillé ensemble, qui parfois viennent même en couple. Et, si l’on a des problèmes avec son ou sa partenaire, il suffit d’en toucher un mot au metteur en scène, qui arrange les chose sen changeant ce ou cette partenaire.
- Les problèmes moraux posés aux comédiens par la pornographie seraient donc dus aux interdits qui pèsent encore sur la sexualité ?
Il est évident que nous sommes victimes de plusieurs siècles de morale chrétienne, où l’on considérait la sexualité comme tabou et nuisible. En tournant ce genre de films, on vérifie néanmoins qu’une certaine libération se produit incontestablement, aussi bien pour ceux qui filment que pour ceux qui sont filmés. On en vient à considérer ces choses-là comme des choses normales, ce qu’elles sont effectivement. C’est en cela que la suppression de la censure, étant accompagnées de brimades envers la pornographie, équivaut à une prise de position assez fausse : on considère les films érotiques comme étant en marge, on refuse de les accepter comme « normaux ». Pourquoi supprimer toute aide financière aux films érotiques plutôt qu’aux westerns ? Il est pourtant aussi normal de voir des gens faire l’amour que de les voir monter à cheval et tirer des coups de revolver, et c’est même plus normal encore !
- Etes-vous conscients que vous exposez vos comédiennes – généralement des filles que vous estimez fortement – au mépris d’une part encore importante du public qui les assimile à des prostitués?
J’ai hésité avant de faire mon premier film porno. Pas à cause du mépris du public, dont je me fiche éperdument, mais à cause des problèmes qui pouvaient se poser à mes interprètes. Le mépris, de la part du public, a toujours existé envers les comédiens : il ne faut pas oublier que Molière a été excommunié simplement parce qu’il était comédien et pas parce qu’il faisait du théâtre porno. De nos jours, on excommunie, d’une certaine manière, les gens qui font du porno ; moi ça ne me dérange pas du tout. Il n’empêche que les gens qui tournent dans des films pornos sont, en général, de vrais comédiens et de vraies comédiennes, qui ont du talent et qui savent interpréter un rôle. Il y en a, bien sûr, qui ne font que du porno que pour l’argent que cela rapporte… Mais il y a toujours eu, dans tous les films, des acteurs qui se moquaient du cinéma, et qui ne faisaient ce métier que pour l’argent. Désormais bon nombre de jeunes débutent dans le métier – en acceptant de faire du porno. Ils sont malheureusement immédiatement catalogués parmi les spécialistes et sont cantonnés dans ce genre de films. Cela ne les empêche pas de savoir jouer, et cela leur permet d’exercer, malgré tout, la profession qu’ils ont choisie.
- Le public des films érotiques ne veut pas voir éternellement les mêmes acteurs, ni surtout les mêmes actrices. Ne pensez-vous pas que vous condamnez vos interprètes à n’avoir, généralement, qu’une carrière éphémère?
C’est difficile à dire, le film porno existant depuis trop peu de temps, en France, pour qu’on puisse réellement parler de la carrière d’un comédien spécialisé, serait-ce une carrière éphémère. Toutefois, la remarque était déjà juste à l’époque du simple cinéma sexy : un renouvellement régulier des interprètes est nécessaire dans le cinéma érotique mais les gens qui ne peuvent plus faire de films érotiques, parce qu’on les y a trop vus, peuvent fort bien se reclasser dans le cinéma traditionnel. Lorsque je fais un film « normal », il m’arrive volontiers d’employer les comédiens et les comédiennes que j’ai connus en tournant des films érotiques.
- Selon vous, qu’est-ce qui a motivé la brusque libéralisation de la censure envers la pornographie?
Les pouvoirs publics ont pratiquement dû reconnaitre un fait accompli. La censure se trouvait devant un nombre grandissant de films allant de plus en plus loin et soulevait des montagnes de protestations à chaque interdiction. Finalement, il y a eu obligation, pour les pouvoirs publics, de reconnaitre officiellement une chose qu’ils ne parvenaient plus à endiguer et à canaliser.
- Personne n’a bizarrement jamais parlé publiquement d’un fait pourtant connu de tous: en province, alors même que la pornographie était encore formellement interdite, certains distributeurs diffusaient des version « corsées » de leurs films, avec des scènes carrément pornos. Et la censure fermait les yeux…
Euh… il parait. On le dit ! (rires) Quoi qu’il en soit, les pouvoirs publics se sont également trouvés face aux exigences d’un public qui, depuis le déferlement de films érotiques, a fait doubler, dans son ensemble, l’indice de fréquentation des salles de cinéma. Tout un nouveau public – celui des films pornographiques – va maintenant au cinéma. On a donc été obligé, également, de reconnaitre un fait économique qui pouvait permettre, dans une certaine mesure, de sauver une partie du cinéma français. Le film érotique donne du travail à des producteurs, à des techniciens, à des comédiens, et c’est important. Quant au public, il assure actuellement le succès que l’on fait naturellement à ce qui, hier, était interdit, et à ce qui est nouveau. Il y a eu toujours des gens allant dans les salles spécialisées pour s’exciter ou se défouler mais à ceux-là, aujourd’hui, s’ajoutent les curieux qui vont voir des films pornos parce qu’il s’agit d’un genre de spectacle nouveau, encore inhabituel. Il n’y a d’ailleurs rien de honteux à aller dans certains cinémas, voir des films érotiques : j’y suis moi-même allé souvent et j’y ai découvert des films passionnants, pleins de qualités, qui passaient inaperçus parce qu’étiquetés films sexy.