Dyanne Thorne – 02/1979 – Ciné Revue Magazine – N°2

0 vues
Dyanne Thorne

Si le cinéma a, dés sa naissance, largement dévétu ses personnages et fréquemment illustré les situations les plus scabreuses, il n’en est pas moins évident qu’il se permet, désormais, des audaces visuelles auxquelles il ne se prêtait, jadis, que très rarement en des oeuvres bien isolées.

Mais l’homme a besoin de s’évader de ses rêves romantiques pour atteindre ses désirs cachés, pour satisfaire ses besoins les plus secrets, les plus interdits, les plus défendus. Actuellement, ceux-ci constituent, notamment l’essentiel d’un genre particulier ou le masochisme et le sadisme tiennent une place de choix, que pas mal de gens trouvent d’ailleurs d’un goût plutôt douteux. Mais l’interdit a toujours déclenché les passions les plus folles et le fruit défendu continue à fasciner une clientèle subjuguée par la violence et son petit monde.

Michel Legris, qui a noté ces détails dans l’enquête qu’il a effectuée pour « Le Monde » sur « l’American Way Of Love » écrit notamment à ce propos : « L’abondance des scènes où figurent des fouets relève d’une fascination bien anglo-saxonne pour les châtiments corporels. On n’a pas hésité à intituler un épais « pocket-book » : « Encyclopédie de la fessée ». On a, sans aucune gène, non plus, torturé les écrits du Marquis de Sade pour les mettre en images. Mais c’est la cruauté « réaliste » qui semble le mieux attirer la clientèle. Elle ne se borne pas à exalter la virilité écrasante des policiers dans ses ornements de cuir… C’est ainsi qu’on a mis sur le marché des brochures mais aussi de nombreuses productions pornographiques où l’on montre de superbes filles portant des uniformes de SS et des brassards à croix gammée…

Ainsi, même si ces films sont d’un genre plutôt scabreux, de nombreuses personnes éprouvent le besoin d’échapper à l’ennui du quotidien et d’entretenir le défoulement de l’esprit par de telles productions.

L’évolution des mœurs et des masses n’est sans doute pas étranger à ces nouveaux désirs encore interdits jus qu’il y a peu et ce fut une véritable bouffée de brutalité dotée d’un érotisme particulier qui, sans crier gare, déferla sur les écrans britanniques, voici bientôt une quinzaine d’années. Le renouveau venait moins de nombreuses scènes de nu que de brutalité de l’érotisme pratiqué. Avec un certain type de cinéma naquit ainsi en Grande-Bretagne, l’érotisme cinématographique moderne : systématiquement teinté de violence, illustrateur de toutes les perversions et étroitement lié à la notion de terreur. Le terrain était, dés lors, préparé; l’érotisme pouvait, au grand jour triompher à l’écran.

Dans la lignée de la révolution « punk » dont le mouvement a tenté de balayer les principes établis, de tels films connaissent aujourd’hui une vogue certaine. Belle, méprisante, inaccessible et volontiers fétichiste, la Femme triomphante fascine irrésistiblement les mâles les plus virils. La star hollywoodienne (Marlène Dietrich, plus particulièrement) est son fidèle reflet : son inépuisable succès en dit long sur le masochisme inconscient des spectateurs. Nul homme ne pourrait en effet, sincèrement se vanter de n’avoir jamais rêvé d’être l’esclave docile d’une Vénus encombrée de fourrure, cruelle et cynique, prompte à manier la cravache et avare de caresses qui, pour être rares, n’apparaissent que plus vertigineusement voluptueuses.

Les « châtiments » corporels sont quelquefois, pour celui qui les reçoit, infiniment plus sensuels que de fades douceurs…

Et qu’elles s’appellent Erika Blanc ou Dyanne Thorne, la volupté passe d’abord par cette souffrance relative. Les sagas vécues par ces adorables jeunes créatures sont essentiellement le prétexte à mille débauches au cours desquelles matrones, tortionnaires et maniaques s’attachent à violer, humilier, battre et pervertir, avec une créativité sans cesse renouvelée. Dyanne Thorne, qui est l’héroïne de la série des films « Ilsa » n’a d’ailleurs pas son égal pour traduire à l’écran ce que l’esprit fertile de ses partisans a imaginé secrètement. Et sa leçon peut être facilement tirée des liens précis qui existent entre sadisme et masochisme que demandent les fanatiques de ces productions. Si le sadique atteint le comble de l’extase lorsque sa victime n’est pas consentante, le masochiste, par contre, voit sa volupté redoublée lorsque son bourreau l’humilie et le fustige en toute lucidité et en toute conscience.

On sait que Sacher-Masoch établissait de vrais contrats, en bonne et due forme, qui faisait de lui l’esclave intégral de ses maîtresses. « Le rôle du maître est infiniment plus prestigieux que celui de l’esclave. Le goût d’être battu par l’être aimé est plus inavouable que le goût de se battre », écrivait déjà en 1954, Christian Mégret dabs sa préface à « La Vénus aux Fourrures ». Mais Léopold de Sacher-Masoch, à la fin de ce livre (qui est le roman-clef du masochisme) affirmait : « Telle qu’actuellement l’homme la traite, la femme est l’ennemie de celui-ci (…), elle n’en peut être l’esclave ou le tyran, mais jamais la compagne ». Les mœurs naturelles du noble Léopold le poussèrent, quant à lui, à faire de la femme, précisément, un bourreau…

A ce propos, les oeuvres célèbres du Marquis de Sade démontrent mieux qu’un discours, le pouvoir érotique de la brutalité sur un esprit préparé à cette forme de spectacle.

Et Sade, effectivement, est devenu pour plusieurs générations, le symbole non seulement de la débauche la plus effrénée, mais aussi de la cruauté la plus insensée. C’est à cet effet qu’on a baptisé « sadisme », la perversion de ceux qui tirent leur propre jouissance sexuelle des humiliations et des souffrances qu’ils infligent à autrui.

Toutefois, le nom de Sade est aussi synonyme de révolte, de liberté et d’amour. Certains disent même qu’il est le contraire d’une brute et qu’il aide l’homme à ne plus avoir peur de la mort…

Devant le succès évident de toutes ces productions, faut-il penser que les audaces actuelles de ce genre de cinéma, seront, demain, celles du « film pour tous » ? Le plus rapide des tours d’horizon des productions actuelles n’en est pas moins révélateur : de tels films apportent ce que certaines personnes demandent secrètement, pour tuer l’ennui…

Joy AURILLAC

De:
Date: février 16, 2020

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Résoudre : *
4 × 9 =