
Retrouvé dans notre collection de magazines pour adultes conservés dans la bibliothèque porno de notre Musée du X, voici un article sur le film « Rêves de Cuir » (VHS de 1991 chez Colmax avec l’actrice X hollandaise Zara Whites), publié dans le magazine Video7 #116 de Novembre 1991.
Un reportage sur les coulisses du film en terme de production avec entretien avec le realisateur Francis Leroi et le producteur / distributeur Max Alestchenkoff.
Dans le cinéma érotique, « Rêves de cuir» occupe une place à part. L’originalité de son scénario, la beauté de ses interprètes, la mise en scène particulièrement élaborée et le soin apporté au choix des décors concourent à faire de ce film une oeuvre originale et forte. Zara Whites, par sa sensualité en demi-teinte, éclaire d’une troublante lumière cette histoire fantasmatique. Le réalisateur Francis Leroi a su trouver le ton juste et redonne ses lettres de noblesse à un genre si souvent galvaudé.
Des filles magnifiques et supra-sensuelles, un réalisateur de renom, des décors originaux et un éclairage subtilement contrasté, « Rêves de cuir », produit et distribué par Colmax en deux versions, soft et hard (lire la critique de cette dernière dans le cahier X de ce numéro), promet de faire du bruit dans les chaumières de France et d’ailleurs. On n’avait pas vu pareil phénomène depuis « Emmanuelle» en 1972 !
Un arrêt de bus en plein Paris. Un homme à l’aspect bizarre dépose subrepticement un petit paquet sur le banc alors qu’une femme svelte et voluptueuse vient s’asseoir près de lui. L’homme part en douceur et la femme aperçoit l’objet. Il s’agit d’une cassette vidéo qu’elle s’empresse, intriguée, de visionner. La scène de sadomasochisme qu’elle voit, visiblement filmée à l’insu des protagonistes, provoque en elle une violente émotion et l’entraîne dans d’incroyables délires érotiques.
«Rêves de cuir», réalisé par Francis Leroi, auteur de nombreux films du genre (la plupart sont disponibles en cassettes chez Alpha et René Chateau) et d’un curieux film fantastique, «Le démon dans l’île », malheureusement pas édité en vidéo, analyse avec pertinence l’ambiguïté fondamentale qui régit la frontière entre le fantasme et la réalité. La construction en spirale, basée sur le concept de Pirandello, ajoute encore à la richesse de l’oeuvre. Richesse n’est d’ailleurs pas ici un vain mot, car le producteur et distributeur Max Alestchenkoff, le PDG de Colmax, a confié à Leroi l’un des plus gros budgets jamais atteint pour un film éroti-que, soit 800 000 francs. Le réalisateur s’explique à ce propos : «Je crois que je n’ai jamais pris autant de plaisir en faisant un film qu’en tournant celui-là. D’abord, j’ai joui d’une complète et totale liberté artistique: D’autre part, c’est un film que j’ai pu entreprendre avec des moyens qui, pour le genre, sont quand même assez considérables.
A ce sujet, je ne remercierai jamais assez la société Colmax de m’avoir permis de travailler dans de telles conditions, car j’ai vraiment évolué dans le confort. Je n’avais que deux scènes hard à tourner par jour, pour un film qui en compte onze… On ne peut pas en dire autant de beaucoup d’autres productions!» « Rêves de cuir», s’il brille par ses indéniables qualités artistiques, doit beaucoup à ses interprètes, la sémillante Zara Whites en tête.
Cette Hollandaise au corps de déesse, révélée dans le cinéma porno par le réalisateur Andrew Blake, dégage ici un potentiel érotique rarement atteint. «La première fois que je l’ai rencontrée, raconte Francis Leroi, elle était complètement nue au beau milieu d’une boutique de fringues des Halles. Elle faisait des essayages, en toute simplicité, pour la plus grande joie des passants! Sur le plateau, elle a fait preuve d’une disponibilité et d’une gentillesse rares. Une grande professionnelle, vraiment.».
Les comédiennes qui l’entourent, Sunny McKay, Noêlle O’Hores, Charlène, Sophie et Pénélope, ainsi que les hardeurs Christophe Clark, Richard Rouille ou Franck Chapuis, participent du même élan vers une sensualité extrême, sophistiquée et novatrice. Difficile, dans ces conditions, de rester insensible devant tant de charme et de beauté, d’autant que le film est disponible en deux versions, l’une hard, l’autre soft donc pour tous publics.
L’éternel conflit, qui oppose en un débat sans fin érotisme et pornographie, aurait-il trouvé son point de jonction? «Oui, répond Max Alestchenkoff, à condition de s’en donner les moyens. Avec «Rêves de cuir», j’opère en quelque sorte un retour aux sources car j’ai commencé dans la vidéo, en 1983, comme producteur avec «Le fruit défendu» (disponible en vidéocassette et laserdisc chez Colmax). J’en ai produit deux autres et puis je me suis consacré à l’édition de films X américains. Si aujourd’hui, je reviens à la production, c’est parce que le hard, dans son ensemble, ne me satisfait pas. Trop de vulgarité l’encombre. Je ne doute pas qu’il existe un public pour ça, mais il faut toucher le plus grand nombre et revenir à des films ambitieux, privilégiant l’esthétisme et la sensualité. Pour cela, il faut un scénario élaboré, des filles belles et glamour, qui soient aussi des comédiennes, et un vrai metteur en scène pour les diriger.».
Le PDG de Colmax rejoint ainsi l’actuelle tendance d’un public las des excès qui prédominent bien souvent dans le genre. Si la vidéo et Canal+ ont largement contribué à transgresser les tabous en matière de sexe, les dérapages qui s’ensuivirent, axés sur le «toujours plus», n’ont pas convaincu la majorité. Au début des années 70, « Emmanuelle», véritable phénomène de société, sort le cinéma érotique de son ghetto et l’installe, triomphant, sur les Champs-Elysées. Les millions de spectateurs qui ont vu ce film sensuel et exotique n’éprouvaient aucune honte à se présenter au guichet. Au contraire, ils y allaient en famille! Le sexe, enfin désacralisé, devenait un sujet de conversation comme un autre. C’est ce qu’aujourd’hui, le public veut retrouver. La5 et M6 l’ont bien compris, puisqu’elles proposent des films érotiques à une heure point trop tardive. En fin de compte, dans ce domaine, le problème n’est pas de tout montrer mais de suggérer. Souvenons-nous de Rita Hayworth qui enlève ses gants comme pour un strip-tease pour les beaux yeux de Glenn Ford dans «Gilde». Ce film date de 1946, mais combien de fantasmes a-t-il engendrés chez les spectateurs de l’époque! «Le sexe est et restera, en particulier en matière de vidéo, un besoin, une nécessité, confie Max Alestchenkoff. Tout ce que je souhaite, en revenant à la production, c’est faire des émules chez mes confrères. Je ne suis pas contre la concurrence, pourvu que ce soient les critères de qualité qui priment…».
Le PDG de Colmax ne manque pas de projets. Après le lancement international de « Rêves de cuir», il va produire prochainement, également en deux versions, un film d’Alex de Renzy, avec Sunny McKay, tourné en Australie. Plus un projet de coproduction européenne, la première dans le genre, dont il préfère encore garder le secret. Décidément, l’érotisme a encore de beaux jours devant lui…
JEAN-PHILIPPE MOCHON