Entretien – Valérie Hervo pour « Les dessous des chandelles – 02/2021 – Ouest France

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A l’occasion de la sortie, en Février 2021, de son livre autobiographique « Les dessous des Chandelles » aux éditions Le Cherche Midi, Valérie Hervo, la patronne de la célèbre boite échangiste de Paris, Les Chandelles, revient sur les éléments peut-être fondateur de la femme qu’elle est devenue… un inceste familial… puis l’emprise d’un homme !

Transcription de son entretien avec Ouest France du Dimanche 28 Février 2021 ….

La quête de liberté de Valérie pour survivre à l’inceste

Livre. Elle est la patronne du club libertin Les Chandelles, à Paris. Originaire du pays de Loudéac dans les Côtes d’Armor, Valérie Hervo se met à nu dans « Les dessous des Chandelles« .

Témoignage

« Il m’a violée quand j’avais six ans. Ça s’est répété de nombreuses fois jusqu’à mes 8 ans. Il m’a broyée. Il m’a tuée. »

C’est une femme affranchie. Libre. Cette image, Valérie Hervo l’a cultivée. Comme un rempart contre l’indicible. Désormais, libre et affranchie, elle l’est. Réellement. Jeudi 4 Mars 2021, est sorti son premier ouvrage, « Les dessous des Chandelles, une femme en quête de liberté ». Elle y relate l’inceste. Les viols répétés, dans sa petite enfance, par son grand-père, dans la maison du Centre-Bretagne. Native du pays de Loudéac (Côtes-d’Arrnor). la patronne des Chandelles, rue Thérèse, à Paris, est la reine des nuits sulfureuses. Son établissement, le temple du libertinage. Mais aussi son écrin. Son cocon. Son échappatoire. Sa bouée. Lors de notre rencontre, par visioconférence, c’est encore de son boudoir, fermé en raison de la crise sanitaire, qu’elle raconte. Qu’elle dépeint le pire.

Dans l’échange, l’inceste arrive tout de suite. A contrario du livre. Une page à peine, au bout de la cent seizième, pour dénoncer l’horreur. Le style est lapidaire. « C’est voulu. J’ai décidé que ça arrive tardivement pour montrer le chemin parcouru. » Valérie Hervo lève le voile sur son amnésie traumatique.

Elle raconte les menaces aussi. Celles qui suivent irrémédiablement les viols. « En pointant un tison de cheminée, il me répétait que je devais me taire. » Et l’omerta familiale. « J’en ai parlé à mes parents, ils ne m’ont pas crue. C’était inimaginable pour ma mère que son père, son pilier, soit un pédo-criminel. Quant à mon père, il m’en voulait de mettre ma mère dans un tel état. C’est une culture paysanne, la valeur qui compte, c’est le travail ; les états d’âme, on ne connait pas. »

Elle raconte la fillette qu’elle a été. Celle-là même qui après avoir parlé, s’est tue pendant quarante ans. Celle qui a tout refoulé. Jusqu’à la nausée. Jusqu’à l’envie d’en finir. Celle qui conditionne la femme, l’adulte, en quête de liberté. « J’étais une enfant qui pleurait beaucoup. »

L’adolescente traîne son mal-être comme un boulet. « Entre agressivité et profondes dépressions. » Ses parents finissent par l’envoyer, à 17 ans, en hôpital psychiatrique, à Paris. « C’était ça ou ils me demandaient de prendre mon indépendance. Accepter d’être internée me semblait la moins pire des options. »

Puis très vite, la jeune femme s’émancipe. Du moins en surface. Elle quitte définitivement la Bretagne. Devient visiteuse médicale en région parisienne. Elle reste pourtant sclérosée. S’engouffre dans les relations toxiques. « Mon homme. » Son homme n’a pas de prénom. Et pourtant c’est bien lui qui apparaît comme le premier bourreau du livre.

Une histoire qui dure près de quinze ans. Celle qui fera tout rejaillir quand elle décidera, durement, d’y mettre un terme. « J’ai été sous son emprise, comme j’avais été sous l’emprise de mon grand-père. » Valérie Hervo est contrainte au silence. Sous la joute d’un schéma mortifère qu’elle répète inlassablement. « Je n’étais qu’un objet… »

Et pourtant, la reine du libertinage passe sa vie à s’extraire des carcans. Celui de sa Bretagne rurale natale, en rejoignant Paris, pour un monde de fards et de paillettes. Celui des stéréotypes de vie « traditionnelle », en tranchant pour la féminité exacerbée et les désirs assumés.

«Les Chandelles ont été créées sur un malentendu. J’aimais danser pour sentir mon corps en vie. Quand j’ai découvert ce milieu, c’était la première fois que j’entendais parler joliment » de sexe. Ce n’est pas étonnant que je sois allée vers lui, ça m’a permis de sublimer ce que l’on m’avait ôté. On a monté ce club, et c’est devenu ma quête personnelle : en faire un lieu où ce sont les femmes qui mènent la danse. »

Pour elle, rien de déviant pour qui consent. La perversité ? Plutôt un devoir conjugal sans envie, qu’une partie fine dans les pénombres de ses alcôves. « J’ai pu me réapproprier mon corps. » Une façon aussi de garder à distance les souvenirs. Mais elle ne s’est pas réapproprié son corps au point de donner la vie. « Je n’ai pas pu garder un enfant car je ne pouvais pas envisager qu’un bébé grandisse dans ce ventre qui avait été sali. C’est très douloureux de ne pas avoir été mère. »

Valérie Hervo est une rescapée. C’est dans la thérapie qu’elle a, il y a dix ans, trouvé une forme de sérénité. Au point de reprendre une formation de psychothérapeute. La patronne des Chandelles, dans son cabinet, panse désormais les plaies d’adultes et de couples. Les siennes encore, sans aucun doute. « C’est possible d’aller mieux. Je ne serai jamais guérie. Mais ça cicatrise. »

Son ouvrage aborde, aussi, le poids du pardon. Jamais elle n’a rompu le lien avec sa famille. « Ma mère a fait comme elle a pu… » À travers la webcam de la visioconférence, c’est la petite fille qui apparaît derrière la femme au port altier et au brushing impeccable.

Celle-là même que l’on retrouve dans l’ouvrage quand elle écrit que son grand-père, qui s’est pendu l’année de ses 18 ans, ne se résume pas qu’à ses actes. « Et probablement avais-je de l’affection pour cet homme malgré l’horreur de ses actes, il demeurait mon grand-père », écrit Valérie Hervo. Celle-là même qui cherche toujours, à 53 ans. à être reconnue. Non pas comme vic-time. Mais survivante à l’inceste.

Pauline DECKER.

De:
Date: mars 8, 2021

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