En 1989, dans son numéro #69, le magazine L’Echo des Savanes consacrait un dossier « Oui le cinéma porno est beau !« . Parmi les divers articles publiés, nous vous partageons celui qui rencontre le plus nos critères Behind-The-Scenes ! « Anatomie d’un tournage » nous plonge dans les coulisses d’un tournage pornographique aux USA …
Anatomie d’un tournage
Frank Williamson est un amoureux du porno. Il écrit dessus, il collectionne les photos et les pavés de presse, il va voir tous les films et, un certain 1er Avril, il a atteint son rêve ultime : assister au tournage d’un film X américain. Il raconte.
Les producteurs m’ont invité à me rendre à telle adresse, à Stanford, dans le Connecticut.
«Vous ne pouvez m’en dire plus?» dis-je en riant. «Non. C’est très secret. Tout ce que nous pouvons dire c’est que le type qui a écrit, produit et réalisé « The Healers », « Snap Shots » et « Fiona on fire », Kenneth Schwartz, travaille sur un film qui, selon la rumeur, devrait être le plus grand succès depuis « Gorge profonde » réédité sous le titre « Bouche gourmande ».»
En France, nous avons eu le plaisir de voir un très bon film de Schwartz, « Stéphanie Lamour » (Stéphanie et l’amour), hardcore très inspiré du « Laura » de Preminger.
Dans la saison cinématographique 80, ce film a été bien accueilli et Bruno Minard concluait: «Bref, une œuvre forte et originale.» Schwartz ne se contente pas de filmer talentueusement des scènes pornos; ses films ont souvent un scénario intéressant.
J’arrive à l’adresse indiquée. Ce n’est pas un plateau ordinaire. C’est un vrai château! Bel et bien un château avec des douves, un pont-levis et des arcs-boutants. Il me vient à l’idée que c’est le le avril…
En garant ma voiture, je vois un groupe de gens qui sortent des meubles d’un camion. Des tables, des chaises, des miroirs… Un cercueil.
J’aperçois Schwartz qui examine les meubles. C’est un homme petit, sympathique, avec une barbe bien entretenue. Il ressemble a un professeur.
«Chouette château, n’est-ce pas? Il appartient à deux riches décorateurs. Ils me l’ont loué, mais il était vide, aussi avons-nous dû faire venir tous les meubles de New York.»
Je décide de jeter un coup d’œil à l’intérieur. A peine suis-je entré dans le château qu’un hurlement me déchire les tympans tandis qu’une femme splendide me saute sur le dos.
Je me retourne et j’aperçois que c’est Diane Sloan, l’une des fabuleuses jumelles Sloan, vedettes de « Tigresses and other man eaters ». Je les avais récemment rencontrées à New York.
Maintenant, elle me serre la gorge de ses mains, puis elle ouvre la bouche pour découvrir deux crocs énormes, deux canines démesurées! J’ai une petite idée du sujet de ce film.
Le lendemain, Vanessa del Rio arrive en dansant et sautillant, pleine d’enthousiasme. Juste après, la troublante Samantha Fox et Bobby Astyr entrent, puis Denis Sloan, Ron Jeremy, Robin Sane, Mar-lene Willoughby, Christine DeShaffer, et le célèbre Jamie Gillis. Jamie ne donne pas d’interviews. Il veut maintenant jouer dans d’autres genres de films. Cette star du X a commencé par jouer des pièces de Shakespeare et a été également chauffeur de taxi.
Mais il découvrit qu’il pouvait payer son loyer plus facilement en faisant un numéro érotique soft dans Time Square. Il lisait des poèmes de Dylan Thomas tandis qu’une fille faisait semblant de le sucer – probablement le spectacle érotique le plus littéraire que Time Square ait jamais connu!
En arrivant, tous les acteurs se rendent dans une pièce spéciale du château où un véritable dentiste leur place des crocs. Je peux à peine attendre que Vanessa découvre autre chose que ses dents…
Schwartz me parle du scénario: le film commence en 1490, en Transylvanie. Le comte Dracula (Gillis) et ses amis font une grande partouze. Mais Dracula est triste parce que son véritable amour est une vierge nommée Surka (Samantha Fox) qui est sur le point d’entrer dans un couvent. Il la viole avec délices et, prise de honte, elle se tue. Lorsqu’il découvre le corps ensanglanté, Dracula se suicide. Mais il promet que son âme damnée errera sur Terre sans repos jusqu’à ce qu’il retrouve son amour perdu. Presque cinq cents ans plus tard, le château de Dracula est un lieu de visite à la mode pour touristes et le mort-vivant doit hanter les cryptes avec ses épouses silencieuses, les jumelles Sloan. Fatigué de leurs pipes sanglantes, il les tue avec de l’eau bénite, et décide de recommencer sa vie aux U.S.A.
A bord du bateau, Dracula réduit en bouillie deux trafiquants de drogue qui faisaient des choses cochonnes avec une chaude chatte espagnole (Vanessa, bien sûr).
Les représentants du gouvernement ont des raisons de croire que Dracula est un espion russe, et ils envoient leur splendide agent Sally (Samantha) à ses trousses. Comme Sally ressemble étonnamment à son véritable amour, Surka, Dracula tombe facilement amoureux d’elle.
Et vice versa. Mais Dracula sait que s’il lui fait l’amour, elle deviendra une femme-vampire. Il veut tout plaquer et rentrer en Transylvanie, mais elle le force à lui faire l’amour. Après une attente de cinq cents ans, la jouissance est, pour le moins, satisfai-sante. Mais les agents russes et américains surgissent soudain, revolver à la main, et les deux amants sont transformés en colombes et s’envolent vers le soleil levant.
Troisième jour. Lorsque vous travaillez avec Schwartz, vous travaillez vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Chacun se lève à l’aube pour la première scène. Orgie.
Je comprends maintenant combien il est difficile de faire un film porno.
Le réalisateur ne peut pas simplement se lever et crier: «Lumière! Moteur! Baisez!» Vous avez Jamie en train de se faire piper ici, deux femmes s’envoyant en l’air là-bas…
C’est là que les « fluffers » (pipeuses) entrent en scène. Une « fluff » est une fille qui est payée à peu près 150 dollars par jour pour sucer… hors champ, en étant assez précautionneuse pour ne pas faire jouir les gens. C’est un travail ingrat; ces filles n’obtiennent aucune gloire, et pourtant sans elles, les films pornos, ou du moins les films pornos bien faits, ne pourraient exister. Durant un rare moment où elle n’avait pas les mains et la bouche occupées j’ai parlé à la fluff de Dracula, Marcia.
«Le fluffing est drôlement emmerdant, dit-elle. Je sais que je fais les pipes mieux que la plupart des grandes stars. Certains disent que vous devez faire ça jusqu’a ce que vous soyez remarquée et alors, il est possible que vous fassiez cela devant les caméras. Mais je ne sais pas. A présent, ma bouche ressemble à une vieille chaussure. Lorsque vous faites ce que je fais, la seule position d’avenir est penchée vers le bas.»
De retour à la partouze, les choses s’accélèrent. Les types commencent à ressentir cette sensation profonde dans leurs reins. Schwartz peut hurler ses instructions car la musique ouvrira la scène, et les gémissements et succions seront ajoutés après.
«En arrière! En arrière! Montre ta langue, Chris! Bien! Caméra 3, prends-le. Défonce-toi, Robin, suce-le à lui faire sortir les tripes!»
6 avril. Aujourd’hui, nous filmons les jumelles Sloan et tout le monde est excité. Il y a en elles quelque chose d’incroyablement érotique, qu’elles fassent l’amour à un homme ou entre elles. Elles jouent les femmes-vampires du comte Dracula, dans sa « chambre des vierges », le suppliant de ne pas faire route vers l’Amérique.
«Qui te sucera la queue comme nous?» gémit Diane à travers ses crocs. «Qui te sucera les couilles comme nous?» gémit Denise. Jamie a l’air toujours noble, presque comme George Washington traversant le De-laware, même lorsqu’elles le lèchent.
«Laissez-moi, dit-il. Vous m’ennuyez depuis les trois cents dernières années.» Même avec les crocs, les sœurs Sloan taillent des pipes somptueuses, mais Jamie les repousse et les asperge d’eau bénite; leur peau se met à fumer et à se décomposer. Le trucage est splendide.
9 avril. Vanessa («le visage aux mille érections») a piaffé d’impatience toute la semaine à l’idée de passer devant les caméras.
Aujourd’hui, elle le montre. Les mots ne peuvent décrire les fellations qu’elle applique à ces trois passeurs de drogue sur le bateau voguant vers l’Amérique.
Vanessa a beaucoup d’humour et le tournage dut être interrompu au moins deux fois tandis que Schwartz attendait que les rires s’estompent. La première fois, alors qu’elle pipait furieusement Renfrew, le serviteur nain de Dracula, et qu’une de ses canines se détacha.
La seconde fois eut lieu dans le château. L’endroit n’est pas chauffé, aussi toutes les cinq minutes on devait tout arrêter et placer une bûche dans la cheminée. A un moment, le stock de bûches étant temporairement épuisé, Vanessa essaya de jeter le gourdin de Jamie au feu!
17 avril. On finit le tournage aujourd’hui. Dix-sept jours, c’est deux fois plus long qu’un hardcore ordinaire.
Il y a cette scène hystérique où Samantha est habillée en petite fille et où Bobby la séduit. Il la persuade qu’un papillon s’est posé entre ses jambes et que son serpent doit l’en chasser. Après avoir joué avec le serpent quelque temps, Samantha s’arrête et supplie Bobby de l’emmener en Amérique. «Tu es trop jeune! Les petites filles sont interdites! hurle Bobby, alors caresse le putain de serpent!».
Une autre scène comique montre Vanessa transformée en zombie par Dracula. «Je suis ton esclave, murmure-t-elle après avoir été mordue, je ferai tout ce que tu demanderas, Maître. Que puis-je faire pour toi?»
«Peux-tu taper?» demande-t-il.
«Oui, oui!» hurle Vanessa.
«Combien de mots par minute?» grogne Jamie.
Dans la scène suivante, on voit Vanessa derrière un bureau tapant à la machine comme secrétaire personnelle de Dracula. Les amateurs de détails sans importance remarqueront que la belle Vanessa del Rio est gauchère.
18 avril. Les types rechargent les meubles dans la camionnette. Je demande encore à Schwartz s’il a été inspiré par « Love at first bite » (« Le Vampire de ces dames »), la parodie de Dracula, avec George Hamilton. «Je ne l’ai pas vue. J’ai toujours été un fan de Dracula étant enfant, et j’avais envie de faire ce film depuis deux ans, avec Jamie dans le rôle principal. Cela m’a pris si longtemps que de nombreux distributeurs et directeurs de salle me l’ont déconseillé.
Avant tout, ils ne croyaient pas cela possible de mélanger sexe et humour et de faire un produit valable.»
Le « Dracula » de Ken Schwartz est vraiment spectaculaire, il contient tous les éléments d’un grand film hollywoodien – décors élaborés, scénario solide, jeu d’acteurs superbe et une réalisation en finesse -, cependant il n’est pas guindé au point de ne pouvoir prendre son pied. C’est un groupe de vamps et de vampires qui s’adonnent à la baise traditionnelle, au S.M., au lesbianisme, au viol et à la nécrophilie.
Mais alors, attendriez-vous moins d’un film sur le plus grand amant de toute l’Histoire? Il y a eu des livres, des films, des pièces de théâtre, des bandes dessinées, des disques sur Dracula, mais c’est la première fois que ce bon vieux vampire non seulement suce, mais se fait sucer aussi!
FRANK WILLIAMSON
Dracula Exotica (1980)
USA. 1980.
Crew
Director – Warren Evans [Shaun Costello], Screenplay/Producer – K. Schwartz, Photography – William de Main, Music – Leger Productions, Art Direction – Steve Finkin. Production Company – Fat Rat Company.
Cast
Jamie Gillis (Count Leopold Dracula), Samantha Fox (Sally Iancu/Surka), Vanessa del Rio (Vita Valdes), Gordon G. Duvall (Renfrew), Bobby Astyr (Anatole), Erik Edwards (Big Bird), Mark Dexter (Sergeant Blick), Murray Bukofski (Chikopnik), Alba Bonn (Castle Tour Guide), Joel Kane (Morgue Attendant)